Tous s’accordent à dire que le carnaval de Guadeloupe est l’un des plus beaux au monde, si ce n’est le plus beau ! Le nombre de musiciens, de danseurs, de sonorités différentes, la diversité musicale des groupes et des costumes, les chansons, les couleurs, les odeurs qui entourent ces festivités enchantent une large frange de la population et des visiteurs.
Le carnaval de Guadeloupe se diversifie dans ses groupes et ses habitudes, il s’intensifie aussi en accueillant des carnavaliers toujours plus nombreux qu’ils soient acteurs, spectateurs ou organisateurs puisque près d’une dizaine de communes de l’archipel reçoivent chaque semaine, les parades colorées.
Alors, tout semble réunit pour que le carnaval de Guadeloupe soit l’un des produits phares de l’attractivité touristique de la destination. Certains groupes accueillent quelques touristes s’essayant à l’art de la confection d’une tenue pour un défilé d’un dimanche, d’autres encore leur permettent même quelques déhanchements aux rythmes des caisses claires ou des tambours « a po ».
Des initiatives encore balbutiantes quand on regarde ce que proposent les îles voisines ! mais qui tendent à se développer, avec dit-on, la réelle envie, de faire du carnaval guadeloupéen un véritable produit touristique.
D’abord, en a t’il les attributs ?
Il faut en premier lieu, se poser les bonnes questions avant de créer un produit, qu’il soit touristique ou pas ! Que souhaite le client ? Quel est son besoin ? Selon une étude récente menée par le CAGI pour la Communauté d’Agglomération Cap Excellence sur « les publics et l’économie du carnaval », 74% des touristes interrogés ne souhaitent pas intégrer les groupes carnavalesques. Alors qu’ils sont 79% à souhaiter un guide culturel payant et être informés plus précisément sur le carnaval. Donc, l’énergie des prestataires locaux devrait porter sur ces besoins d’assistance, d’accompagnement et d’explication. Les 19% des touristes qui souhaitent aller plus loin dans leur expérience carnavalesque devraient être identifiés et traités différemment de la grande majorité des touristes qui ne souhaite que regarder les groupes et prendre des photos. D’ailleurs, l’étude du CAGI montre que l’indice de satisfaction du carnaval auprès des touristes est très moyen puisqu’il n’est que de 2/3.
Bien que cette étude mériterait d’être élargie à un échantillon plus large, il y a donc un décalage important entre ce que nous percevons en tant que guadeloupéen fier de notre carnaval et le regard que porte le visiteur qui le trouve plutôt moyen. Il conviendrait de connaître précisément les points faibles du carnaval pour les corriger et faire en sorte qu’il réponde aux attentes de nos visiteurs. Un produit touristique se construit, il ne se décrète pas ! Il fait appel à de nombreuses prestations très diverses (transports, hébergements, restaurations, activités) qui doivent être excellentes de bout en bout de la chaîne du produit. Un produit touristique se construit sur la création d’expériences, où le touriste garde un souvenir mémorable de ce qu’il a vécu. Il est donc important de faire des efforts pour le surprendre, surtout en ce qui concerne les aspects qu'il souhaite expérimenter…
Ensuite, voulons-nous vraiment ouvrir tout un pan de notre patrimoine aux touristes ?
Nous avons de la chance, le carnaval de Guadeloupe, quelque soit sa longueur, tombe toujours pendant la haute saison touristique et de croisière. Donc, a priori, il n’y aurait pas d’actions sur une attractivité spécifique à créer si ce n’est de mieux informer la clientèle et de structurer l’offre. Et pourtant, chaque dimanche de carnaval, les rues ne sont pas balisées, les parkings restent « sauvages », la signalétique est inexistante, le parcours des groupes n’est pas fléché, la sécurité est souvent insuffisante, les ti-mass aux abords des communes arrêtent la circulation pour quelques sous provoquant des kilomètres d’embouteillages …
Sur « les souvenirs », il n’existe que peu de produits spécifiques estampillés « carnaval de Guadeloupe ! ». Pourtant, près de 70% des touristes souhaitent en acheter et je ne mentionne pas ici le pouvoir attractif que ces produits ont sur la population locale et les retombées économiques générées. Il y a bien des velléités de commercialiser une offre du carnaval de Guadeloupe avec des réceptifs locaux, privés ou institutionnels, qui organisent des sorties pour la clientèle touristique… mais toutes ces initiatives mériteraient d’être renforcées y compris par les groupes carnavalesques eux-mêmes ! Le carnaval est l’affaire du monde associatif. En commercialisant des packages (ateliers, sorties, photos par exemple) les groupes s’assureraient des retombées commerciales qui leur permettraient de créer des emplois pour structurer leur offre et mener plus confortablement leurs actions culturelles sur le territoire. Alors, à quand cette véritable mutation ? Veut on professionnaliser le carnaval pour créer des emplois tout au long de l’année autour d’un élément fort de notre patrimoine ? Il y a de nombreuses idées à prendre du côté de nos îles caribéennes …

Caroline ROMNEY
Consultante, cabinet Aiguillage
aiguillage@wanadoo.fr
Remerciements à Eric Nabajoth et au cabinet DéfiCaraïbes